Sache le, ami lecteur, on n’est jamais à l’abri d’une bonne rencontre. Et ce même quand la vie est une belle grosse connasse ascendant mouchoir.
Je ne sais pas pour toi mais, moi, personnellement, j’ai passé quelques heures de mon weekend dans les entrailles d’un hôpital. Et pas un p’tit. Un hôpital du genre costaud spécialisé dans le balaise : cardiologie, pneumologie, neurologie (ma -logie préférée) etc.
Samedi matin je me suis levée avec l’envie dans les chaussettes de me mettre dans mes Docs Martens pour les heures à venir.
Être une autre, parfois, c’est bien, aussi.
Même si elle a des chaussures pourries.
Comme mes performances méditatives restent encore à démontrer, ma tête est restée solidement accrochée à mon corps. J’ai donc chaussé mes Docs et mis en ordre mon apparence extérieure.
Pour tout te dire, quand je me suis maquillée, j’ai soufflé en réalisant que je n’avais pas de mascara waterproof de planqué au fond d’un tiroir… Et puis perdu pour perdu,
tant pis si tu pleures, tu ressembleras à un petit panda,
que j’ai pensé. Mais au moins sauve les apparences. Même quand c’est la merde, on n’est pas des sauvages !
8 heures et quelques j’étais prête.
Un train et quelques kilomètres j’étais la-bas, devant la porte marron moche de la chambre de mon papa.
Midi et quelques j’étais amoureuse.
Comme je dis : on n’est jamais à l’abri d’une bonne rencontre.
L’interne, il est entré dans ma vie devant la porte de la chambre de mon père. On est sorti le temps qu’il fallait pour les infirmières de faire ce qu’elles devaient faire. On était là, ma mère et moi, quand elle l’a vu venir vers nous. « Ah -qu’elle a dit- voilà L’interne ! », « Bonjour -que je lui ai dit- je suis la fille. »
Les présentations étaient faites.
Les dés étaient jetés.
L’interne est entré dans ma vie.
(Et j’étais contente d’avoir mis du mascara)
Bon, certes, il a 12 ans (« T’exagères -me dira ma sœur, plus tard, au téléphone- 26 ou 28 j’dirais, plutôt » sans comprendre que je suis devenue vielle), mais n’empêche, L’interne arpente les couloirs d’un service de neurologie avec une certaine maitrise et un certain charisme.
Bon, certes, il me semble presque plus petit que moi du haut de mes Docs (toujours les mêmes), mais n’empêche, quand je lui ai dit de bien s’occuper de mon papa, j’ai senti qu’il m’entendait.
L’interne présente donc les caractéristiques suivantes (outre une dentition proche de la perfection, et on sait comme c’est primordiale) : un sens de l’écoute certain et une certaine patience, une capacité à rassurer famille (la mienne) et patient (le padre), un CV prometteur (neurologue en devenir ?), une bienveillance dans les jolis yeux verts et la volonté affirmée d’accorder une attention particulière à mon papa… Le mien.
Tous les feux sont au vert. L’interne est du genre Good On Paper.
L’interne il est tellement chouchou que je me suis sérieusement interrogée, l’espace de 5 secondes, pourquoi ni ma mère ni ma sœur ne m’avaient avertie sur la situation.
Ah, ça, pour parler de la santé de mon père, on en passe du temps sur nos téléphones.
Mais bon, là, quand-même !
L’interne et moi on a vécu un premier date du genre tout naze, avec mes parents à côté et à parler de mon père. Nos derniers mots échangés tournent autour d’une histoire de timbale qu’on aurait oublié de déposer sur le plateau repas d’une pause déjeuner fort peu ragoutante. Reste que, j’ai bien entendu quand, au détour de la conversation, L’interne, il a dit, comme ça, qu’il n’était « pas d’ici ». Et comme « ici » c’est là-bas, je me demande si, des fois, il ne serait pas d’ici, là…
L’interne il a une grosse pression sur les épaules, déjà parce que celui qu’on a eu l’occasion de croiser il y a quelques semaines, cet été, était le dernier des connards. Et puis on parle de mon papa et d’une vraie bonne grosse maladie de merde pour laquelle le protocole de soin peut apporter plus d’effets secondaires que d’effets positifs, mais ça (ma bonne dame), on ne le sait pas avant de tester ! #Cobaye – Chaque Parkisonien est unique vous savez ! #RéponseDeMerde
« Pas une maladie de tapette » articulera péniblement mon père dans le second degré qui est le sien (le -bon?- sens de la dérision, c’est de famille).
Autant dire que les internes en neurologie (et vu comme c’est la galère pour attraper leurs GRANDS chefs les neurologues), je les attends au tournant…
L’interne et moi, on ne part pas forcément sur des bases faciles d’autant plus que, à choisir, je ferais bien en sorte qu’on écourte le séjour paternel de ce lieu obscur. De là à dire que je préfèrerais ne pas recroiser son chemin…
Pour ce qui est du reste : mon père est un héros, ma mère une warior, et, à l’épreuve de Parkinson, ça commence à faire un petit moment que ça dure. Avec des gênes comme ça, ne t’étonne pas de me voir championne du monde catégorie perfection.
Si si, j’te jure… En tous cas pour ce qui est de l’héroïsme parental, tu peux me faire confiance.
xxx
18 Comments
Tu arrives avec humour et classe a détourner une situation dramatique. Bravo a tes parents et a toi ! Tu nous donnes des nouvelles.
Merci !! Billet un peu périlleux à écrire, ton com’ me touche beaucoup.
J’essaierai de distiller des nouvelles de façon intelligente selon l’humeur et la suite. Merci encore pour ton soutien !!
bonsoir,
tout mon courage pour ton papa et pour toi , j’espère que les nouvelles seront rapidement bonnes
( avec l’interne aussi 🙂 essaie de le rencontrer dans d’autres circonstance quand même , offre lui des m&m’s en guise de déjeuner ! )
Merci beaucoup Othilie !
Je ne rentre pas voir mes parents très souvent, déjà là ce n’était pas vraiment prévu, donc je t’avoue que je préfèrerais ne pas avoir à le revoir… Mais si jamais, je note. je me ballade de toute façon rarement sans un paquet dans mon sac en ce moment 😉
Beaucoup de courage et un os-cillement de cils au mascara pour l’interne !
😉
Merci beaucoup !!
Je n’ai pas lu ton article, je l’ai bu ! J’adore ! j’adore ! j’adore !
Cette année aussi j’ai eu mon lot d’hôpitaux (mon papa également, mais il nous a quitté il y a presque deux mois…). Quand je lis tes mots, je me revois, accompagnant mon père pour son rdv chez le neurologue. Quand j’ai vu le gars de l’ambulance arriver j’ai cru faire une attaque, il était juste sublime hahahah ! Bon je ne lui ai pas couru après mais j’ai profité de ces quelques instants de répit pour lui faire la cour sous les yeux amusés de mon père. Merci pour ton article superbement bien écrit, j’ai eu le sourire tout le long !
Merci merci merci pour ton commentaire. Il me touche d’autant plus que tu connais l’émotion qui se dégage de cette histoire, ce qui se dessine en filigrane, je suis contente d’avoir réussi mon pari et de t’avoir fait sourire !
Bon courage à toi et toute ta famille ! C’est un peu court mais ça vient du fond du coeur!
Merci beaucoup 🙂
Comme quoi, parfois, même quand c’est court, ça marche aussi
(je suis pas certaine d’assumer cette réponse très longtemps)
Me voilà dans cette case de commentaires et en fait je ne sais pas tellement quoi écrire. Je suis fatiguée. J’ai cliqué sur ton article parce qu’en ce moment c’est un peu la guerre dans mon esprit à propos d’un kiné rencontré au détour d’un couloir de centre de rééducation. Sauf que ça n’était pas celui de papa, lui n’en a pas besoin, mais le mien. Ça va bientôt faire quatre ans que je suis en fauteuil. C’était hier. Hier était il y a une éternité. J’en ai vu des kinés, des aide-soignants, des médecins : je me suis longtemps battue pour redevenir aussi normale que possible, être debout mis à part. De tous les ages et de tous les styles. Lui n’a rien de particulier. Du tout. Pourtant je l’aime bien, va savoir pourquoi. C’est étrange la vie. On a beau vouloir tout contrôler, aucune conviction n’est indestructible. Car enfin nous n’avons pas le choix aussi souvent qu’on voudrait nous en persuader. Merci pour cet article. Parce que oui, « Être une autre, parfois, c’est bien, aussi.
Même si elle a des chaussures pourries. »
Merci à toi, Daphnée, pour ton commentaire, très touchant. J’apprécie ta confiance de venir témoigner ici de ton histoire.
J’imagine (bien mal), comme le contact avec le personnel hospitalier peut générer des relations particulières. Ils sont en même temps si proche et si loin… J’espère que ton kiné te fais du bien, de quelque façon que ce soit, notamment si c’est aussi pour quelques battements de cils… 🙂
La plupart du personnel permanent de là bas sont maintenant ma deuxième famille : ils m’ont vu dans un tel état et m’ont accompagnés si loin ! Alors oui, ce sont des relations particulières… Lui n’est/était là que pour deux mois : tant qu’on est proches (au centre) il y a la barrière kiné/patient qui est là et avec laquelle on ne peut rien tenter, déontologie oblige. Puis quand le séjour thérapeutique se termine, on s’éloigne et on n’arrive pas plus à avancer si avancées il doit y avoir, cause de la distance. Alors il ne se passe rien et on ne sait pas s’il y a un risque qui vaut le coup d’être pris.
Ah, c’est ce que je pensais. Difficile de se positionner dans la moindre notion de séduction effectivement. Quelque part ça adouci, déjà, sûrement un peu, le parcours de soin, mais ça n’empêche pas un petit gout de frustration j’imagine.
Bon courage à toi !! et encore merci de partager ton histoire.
J’ai souri, j’ai ri…. Misha, à côté de moi, m’a dit « pourquoi tu souris maman??! »
Et depuis ta photo sur ig, je pense fort à toi et ta famille!!
À très bientôt!!
Merci beaucoup Rosa, très contente de savoir que j’ai réussi mon pari dans cette histoire en réussissant à partager un sourire avec les gens qui me lisent. Je prends toutes les ondes positives, merci encore !
tout a été dit… la vie est une bitch… heureusement il y a des wariors comme vous… et des compensations internes… 🙂
Warior comme toi ! 😉